Vélomagus, récit d'un vélotafeur accidenté.

L'opération du genou

Ce que je n'avais pas évoqué jusqu'alors c'est mon genou gauche. Suite au choc, ce dernier avait gonflé comme un melon. Quelques temps après mon retour à la maison j'ai passé une radio puis je suis passé par le service orthopédique du CHU de Rouen. On m'a diagnostiqué un gros hématome qui se résorberait de lui-même et qui gênait pour l'instant la géométrie du genou. A ce moment je me suis dis que vraiment j'avais une chance insolente. Effectivement l'hématome s'est bien résorbé, et mon genou ne me faisait plus mal. Sauf que ...

Quelque chose clochait. Impossible de prendre appui sur cette jambe au risque de voir le genou partir en travers comme si une étaie tombait subitement sur un chantier. Non seulement le phénomène est imprévisible, mais en plus peut s'avérer dangereux. Pour moi d'abord car ça peut occasionner une chute à tout moment. Pour les autres aussi car, par exemple, il m'est arrivé que ce maudit genou "lâche" alors que je descendais des marches avec Micromagus dans les bras. Heureusement, bien conscient de cet état, je m'étais toujours assuré de pouvoir compenser en cas de chutes.

Cet état n'étant pas normal, au bout d'un mois j'ai fini par aller voir mon médecin traitant. Ce dernier pense à des ligaments rompus et me fait passer un IRM. Bingo ! Les ligaments sont touchés avec hypothétiquement des fibres encore en places.

Le diagnostic est définitivement validé par le chirurgien orthopédiste d'une clinique rouennaise. Ce dernier m'annonce que si je veux un jour refaire du sport, avoir un genou avec une mobilité normale et surtout éviter une arthrose prématurée de ce dernier, il va falloir passer par la case opération.

C'est donc ainsi que le 18 avril 2018, me voici prêt à me faire anesthésier pour cette opération. C'est un moment difficile car hormis le passage au CHU post accident je n'avais pas eu besoin de passer par une hospitalisation.

A mon réveil, j'entame donc un des pires moment dû à cet accident. Il faut comprendre que depuis le début de cette histoire je n'ai fait que remonter, doucement mais sûrement, la pente pour récupérer toutes mes capacités. Et là cette opération me replonge en enfer. Je revis tout voire pire que ce que j'avais vécu. Perte d'autonomie, obligé de dormir dans le canapé d'en bas, dépendance aux autres... Car il faut savoir qu'après s'être fait opérer du genou ce dernier est tendu de telle sorte qu'on a à peu près l'équivalent d'une jambe de bois. Impossible de conduire, de faire du vélo ou quoique ce soit qui nécessite une jambe flexible. Ajoutons à cela que je ne supporte pas un seul instant le traitement anti-inflammatoire, que je me force à prendre pour respecter la prescription. Après une journée de souffrance (véridique et je suis dur à la douleur), je téléphone au cabinet du chirurgien. On me réponds qu'en fait les anti-inflammatoires ne sont pas obligatoires et que je peux très bien gérer ça avec de la glace. Ouf.

La suite je vous laisse la deviner tant elle est similaire à l'après-accident en ajoutant la douleur lancinante et les visites quotidiennes chez les kinés qui alourdissent l'organisation de la journée (sans compter les trajets en ambulances). Le moral n'est plus du tout là. Je suis épuisé mentalement et physiquement. Mes journées sont vides car je ne fais rien de nouveau.

 

Chez les kinés c'est un travail de longue haleine, chaque jour est un progrès presque imperceptible. Mais j'y fait des rencontres incroyables comme celle de cette dame amputée d'une jambe...

[Retranscription d'un thread Twitter]
"Chez le kiné j'ai rencontré la force de vivre en personne. Rencontre ultra-enrichissante avec une dame pleine de vitalité. Elle a fait une infection qui l'a plongée dans le coma pendant 1 mois, est restée des mois à l’hôpital et a finie amputée de la partie inférieure de la jambe droite. Elle a perdu beaucoup de muscles un peu partout à cause de cette maudite bactérie. D'où le besoin de kiné. Elle est en chaise roulante en attendant une prothèse. Et bien vous savez ce qu'elle m'a dit en rigolant d'une joie de vivre authentique? "Oh vous savez ! Il y a pire !". On a partagé en commun cette réflexion de rescapés. Chapeau bas Madame."

Puis, petit à petit, je retrouve ma motricité, très lentement, et donc mon autonomie. L'été s'annonce bientôt, je sens la vie qui reviens. Le point d'orgue de cette "remontée des enfers" sera notre participation à la Vélorution organisée par Sabine, l'asso vélo de Rouen. Pour plusieurs raisons. D'abord car je n'avais pas revu depuis longtemps les ami.e.s cyclistes depuis cet accident. Puis, grâce à Michèle de Rouen Vélo Taxi, j'ai pu participer à cette vélorution en tant que passager et j'ai pu ressentir cette sensation de liberté procurée par la pratique du vélo. Enfin, et c'est là ma plus grande fierté, Minimagus a fait sa première vélorution à 4 ans sur son petit Peugeot 12 pouces sans roulettes de stabilisation. Un vrai bonheur de voir qu'il n'a pas été traumatisé par ce qui m'est arrivé. Il a fait la vélorution de bout en bout, de sa propre volonté sans que personne n'insiste. 4 km sur son pignon fixe. Le soir, il s'est écroulé dans son lit et a dormi du sommeil du juste.