Vélomagus, récit d'un vélotafeur accidenté.

Le malade invisible

Pour investiguer un peu plus la piste de l'épilepsie, le neurologue m'a proposé de passer au CHU de Rouen un électroencephalogramme (EEG) avec privation de sommeil. Le principe est simple: te coucher tard la veille et te lever à 3 heures du mat pour ne pas dormir avant le test. Le but est de provoquer une crise pour l'observer en temps réel. Expérience bizarre où je vais regarder Total Recall (version Schwarzie) puis faire des crêpes pour la famille à 5h du matin.

Le résultat n'est malheureusement pas probant. Je n'ai fait que dormir toute la journée (et bien en plus). Les observateurs auront déjà noté qu'un certain confinement à cause d'un coronavirus se pointe, j'ai faillis ne jamais passer cet examen.

On croit que les questions ne trouveront jamais de réponses et pourtant parfois, voici qu'elles arrivent sans crier gare. Malgré ce confinement perturbant, surtout en terme de travail, les crises s'espacent de manière exponentielles. D'un rythme de toutes les deux semaines au début on passe à tous les mois, puis les mois et demi... Ce qui est surtout perturbant c'est le fait de croire à chaque fois que c'est la dernière et de se manger de nouveau la vérité dans les dents quand elles reviennent.

Pendant ce temps, la vie reprends tout de même son cours. Mieux, ma compagne propose d'elle-même qu'on passe une partie des vacances d'été à vélo itinérant tous les quatre ! Quelle exaltation !

Une expérience formidable ! J'ai la sensation d'aller de l'avant, et que tout est derrière nous.

Pourtant, de retour à la maison, les crises d'épilepsies reprennent. Il serait malhonnête de vous cacher que cela a porté un coup dur sur mon moral (certainement aidé par les effets secondaires du traitement). J'en viens même à aller voir mon médecin pour lui demander si c'est vraiment raisonnable de prendre ce traitement pour des crises si espacées. Il est formel, c'est oui. Car si mes crises s'espacent c'est grâce aux médicaments. Pire, si j'arrête le traitement je risque de faire des crises généralisées qui risquent de provoquer des dommages à mon cerveau.

Mais tout de même je fais des progrès dans ma tête me poussant à faire quelque chose d'inconcevable il y a quelque temps : jeter mon vélo accidenté après avoir récupéré ce qui était récupérable.

Et sans le savoir un jour, je vivais ma dernière crise d'épilepsie. Au moment (calculé) où je devais en avoir : rien. Méfiant au début, je pensais que ce n'était que temporaire. Puis 3 mois, 4 mois sont passés. Toujours rien. Le neurologue, satisfait tout comme moi, décide de prolonger le traitement en me mettant bien en garde que ce traitement sera certainement à vie. Si c'est le prix à payer pour vivre "normalement", pourquoi pas.

Seulement voilà, je suis malade. Et ce traitement n'est qu'un pare-feu avec des effets secondaires difficiles déjà évoqués. Fatigabilité, irritabilité ... Et cela personne ne le voit. Quand je faisais des crises d'épilepsie tout le monde voyait que j'étais affecté. Là, ma maladie a été invisibilisée par le traitement. Je suis redevenu quelqu'un de normal, mais qui doit souvent justifier pourquoi c'est pas la grande forme aujourd'hui. Un malade invisible. Il faut aussi se faire à l'évidence ... ce qu'il m'est arrivé va tomber dans l'oubli, comme pour des milliers de personnes qui ont vécu des moments difficiles et traumatisants.

C'est ainsi que mon médecin décida de déclarer à la Sécu une consolidation avec séquelles. Ce qui m'a valu une convocation chez un médecin de la même instance. Le même médecin que j'avais rencontré la première fois et qui m'avait semblé très froid. J'étais certainement tombé sur mauvais jour car cette fois-ci, il a été plutôt avenant.

Puis viendra après la décision du fond de garantie qui prendra évidement en compte  le traitement à vie dans mon indemnisation. Mais l'argent ne fait pas tout...